JEFF CARLISI REFAIT PARLER DE LUI
Au mois de septembre 2021, Jeff Carlisi a donné quelques interviews suite à la réédition de deux albums de 38 Special, « Wild-eyed southern boys » et « Special forces ».
Voici un petit résumé de ses propos, essentiellement puisés dans ses entretiens avec The Rockpit et Velvet Thunder (deux webmagazines anglais).
Jeff donne certaines informations sur sa vie personnelle et sur son parcours musical.
Sa famille est d’origine sicilienne et vient de Boston. Son père est pilote de combat dans la Navy et se retrouve muté à Jacksonville.
Les parents du petit Jeff demandent à leur fils s’il ne veut pas apprendre le piano car son cousin joue de cet instrument. Le professeur prévient les parents qu’un piano coûte cher et prend de la place dans une maison. En résumé, cela risque d’engager beaucoup d’investissements pour rien si le gamin ne souhaite pas poursuivre son apprentissage. Il tend alors à l’enfant un accordéon. Le petit Jeff commence donc à tâter du « piano à bretelles » à l’âge de neuf ans. Mais il préfère jouer d’oreille les génériques des dessins animés qu’il regarde à la télévision au lieu de travailler ses exercices (ce qui contrarie beaucoup son professeur).
En 1964, il découvre les Beatles et il ne s’en remettra pas. Là, il est sûr de ce qu’il veut faire : apprendre à jouer de la guitare !
Ses parents achètent une petite guitare acoustique à la grande joie de Jeff qui ne la quitte pratiquement plus. Il s’endort avec et en joue dès qu’il est réveillé. Jeff précise qu’il possède toujours cet instrument sans marque.
Il n’est pas le seul à être atteint du virus de la musique car il a pour voisins Billy Powell, Allen Collins et Leon Wilkeson. De l’autre côté de la ville demeurent les frères Van Zant, Gary Rossington et Larry Junstrom.
Jeff décrit la scène musicale de Jacksonville et l’ambiance qui y règne à cette époque. Il déclare que la British Invasion a eu une grande influence sur les jeunes groupes de l’endroit. Par exemple, la première fois qu’il entend Lynyrd Skynyrd dans un « Teen club » (un club pour adolescents), le combo naissant joue « Walk in my shadow » de Free.
Selon lui, tout le monde se connaissait et jouait dans les mêmes clubs, formant une sorte de communauté musicale. Ainsi, le jeune Jeff rentre un jour dans un magasin de musique et il voit Duane Allman en train d’essayer une guitare. Sans faire partie de ses proches, il peut quand même discuter quelques instants avec Skydog.
Jeff raconte qu’il a vu les débuts de l’Allman Brothers Band. Quand Duane retourne à Jacksonville, il a une solide réputation derrière lui (Allman Joys, Hour Glass et sa renommée en tant que guitariste de sessions pour les studios Muscle Shoals). Il joue avec son frangin Gregg et d’autres musicos du coin en donnant des concerts gratuits en plein air qui attirent toutes sortes de gens (des lycéens aux hippies en passant par les motards). Jeff se rappelle qu’il fallait que quelqu’un surveille l’arrivée des flics car la fumette allait bon train. Il a assisté (avec des centaines d’autres personnes) à la rencontre entre les frères Allman et les gars du groupe The Second Coming (le combo de Dickey Betts qui comprend Jaimoe, Berry Oakley, Reese Wynans aux claviers ainsi que le futur Iron Butterfly Larry Reinhardt à la guitare). Après avoir jammé ensemble, ils décident de se réunir et donnent naissance à l’Allman Brothers Band.
Pour Jeff, voir ce groupe jouer a été la meilleure éducation musicale possible.
Les influences de Jeff sont nombreuses et variées. Il cite Free (et son guitariste Paul Kossof), Brian May de Queen (pour son approche mélodique de la six-cordes), le blues, la country music, Eric Clapton et le « guitar picking » de Jerry Reed. Il affirme aussi avoir essayé de jouer de la pedal steel guitar.
En 1970, au lycée, Jeff joue dans le groupe Sweet Rooster avec Donnie Van Zant. Il part ensuite à l’université pendant quatre ans et revient à Jacksonville avec son diplôme d’architecture en poche. Il rejoint Donnie Van Zant et Don Barnes (qui l’avaient déjà contacté quelques mois avant l’obtention de son diplôme) au sein du futur 38 Special. Le reste appartient à l’histoire.
Jeff précise qu’il jouait les solos mélodiques tandis que Don Barnes se chargeait des solos plus « rocks ».
Pour Jeff, un solo doit pouvoir se retenir, se chanter ou se siffler. En bref, on doit s’en rappeler.
Jeff n’est pas forcément très explicite sur son départ de 38 Special. Dans une interview, il dit qu’il aurait bien voulu faire un autre album avec Don Barnes (quand ce dernier est revenu) mais apparemment, la magie n’était plus là. De plus, Danny Chauncey (qui avait remplacé Don) était toujours présent et la formule de trois guitares ne fonctionnait pas pour 38 Special.
Dans un autre entretien, Jeff se contente d’une courte phrase en affirmant que son départ du groupe était un mélange de « je démissionne/ je me suis fait virer ». On n’en saura pas plus.
Mister Carlisi quitte 38 Special en 1997 et participe à la formation du groupe Big People qui n’enregistrera aucun disque mais qui apportera visiblement beaucoup de joie à Jeff. Il faut dire que cette formation ne compte que du beau monde : Jeff, Michael Cartellone à la batterie, Derek St Holmes (le chanteur de Ted Nugent), le guitariste Pat Travers et Benjamin Orr (du groupe The Cars) à la basse.
Jeff a fait partie du « backing band » du Rock’N’Roll Hall of Fame et a accompagné bon nombre d’artistes très connus.
Jeff se déclare maintenant en semi retraite. Il a fondé la compagnie « Camp Jam » (un camp d’été musical pour les enfants et les adolescents) et a coécrit un livre (« Jam », un ouvrage qui explique l’importance de jouer dans un groupe pour acquérir l’esprit d’équipe et le sens de la cohésion).
Au cours de ces diverses interviews, Jeff Carlisi parle aussi du parcours de 38 Special.
Et on commence par un scoop ! L’anecdote de la descente de police dans le local de répétition (et qui serait à l’origine du nom du groupe) est totalement fausse ! Il s’agissait en fait d’une invention de la part de la maison de disques qui voulait une histoire dans la tradition sudiste.
Selon Jeff, c’est un pote du groupe qui aurait avancé ce nom. L’endroit existait bien et était situé en pleine forêt. D’après Jeff, les mecs de 38 Special ne pouvaient déranger que les ratons-laveurs et les serpents. Bien au contraire, les jeunes musiciens entretenaient d’excellents rapports avec les flics du coin qui surveillaient souvent leur local ou traînaient quelquefois avec eux.
Au départ, les gars de 38 Special voulaient marcher sur les traces de leurs idoles (Allman Brothers, Lynyrd Skynyrd, Charlie Daniels, Marshall Tucker Band) puis ils ont décidé de trouver un style plus personnel.
Jeff explique la raison de la présence des deux batteurs au sein de 38 Special. C’est bien simple, les membres du groupe les aimaient tous les deux alors ils les ont gardés. Jeff confirme qu’ils jouaient exactement les mêmes parties de batterie en parfaite synchronisation.
L’influence majeure de 38 Special serait le groupe The Cars. Et quand on écoute « Just what I needed » (des mêmes Cars), on se dit que c’est sans doute vrai.
Les deux premiers disques de 38 Special n’ont pas eu de succès. Il a fallu attendre le troisième album pour que le groupe trouve enfin son style. Pour Jeff, l’association avec le producteur Rodney Mills et Jim Peterik (le chanteur de Survivor) a été déterminante.
Si 38 Special s’est taillé un franc succès avec le single « Rockin’ into the night », « Wild-eyed southern boys » a été le premier album du groupe à s’être bien vendu. Jeff raconte que 38 Special voulait alors se démarquer des clichés du rock sudiste et que lui et ses copains ont été assez désappointés par la pochette à l’ambiance résolument « redneck ». Mais il pense que cette fameuse pochette a sans doute contribué au succès du disque.
Le single « Hold on loosely » était à la base un message de Don Barnes à sa femme.
Selon Jeff, l’ascension du groupe s’est faite graduellement en commençant par les petits clubs, les salles de deux mille personnes, puis les salles de cinq mille places jusqu’aux stades de vingt mille personnes.
C’est Jim Barnes (le frère de Don) qui joue de l’harmonica sur « Rough housin’ ».
D’après Jeff, les choristes n’ont jamais été considérées comme des membres du groupe (même si les chœurs sont très importants dans la musique de 38 Special).
En 1981, 38 Special a assuré la première partie de Jefferson Starship. Après « Special forces », le groupe est passé plus souvent en vedette.
Jeff affirme que 38 Special n’a réellement commencé à jouer en tête d’affiche qu’à partir de l’album « Tour de force ». successeur de « Special forces » avec son méga tube « Caught up in you ».
En 1984, Huey Lewis and the News ont ouvert pour 38 Special (Bon Jovi le fera en 1986).
Jeff précise que ces deux rééditions ne contiennent aucun morceau bonus. Les bandes master de 38 Special n’ont pas toutes été digitalisées. En 2008, un incendie a gravement endommagé les studios Universal et beaucoup de bandes ont été détruites (dont celles contenant quelques titres inédits du groupe).
Et pour finir, Jeff Carlisi se dit très satisfait par la réédition de ces deux disques majeurs de 38 Special. Il semble toujours avoir la pêche et c’est tant mieux !
« Melodic guitar forever ! »
Olivier Aubry
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